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15 février 2010

LE PARADISIER (roman flottant) de frédéric Clément

 

 

 


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Première de couverture du PARADISIER

(quelques typos peuvent encore bouger)

Le format sera de 21,5 X 13,3 cm

Il paraîtra en octobre 2010 aux Ed. Le Castor Astral

dans la nouvelle collection "Curiosa et Caetera"

(créée et dirigée par Eric Poindron)

Diffusion Volumen

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Une vidéo-lecture de 16mn 46 du PARADISIER, dit, mis en sons, en musique et en images par frédéric Clément, est à regarder sur DAILYMOTION :

http://www.dailymotion.com/user/frederiClement/video/xakz...

Et un enregistrement de 16mn 46 du PARADISIER, dit, mis en sons et musique par frédéric Clément, est en écoute sur MYSPACE : http://www.myspace.com/fredericlementeco

© Le texte "Le Paradisier", ici, l'enregistrement et sa musique sur Myspace sont protégés. Tous droits appartiennent à frédéric Clément, l'auteur. Pour tous usages, merci de lui en faire la demande à  fredericclement@orange.fr

 

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Un long extrait :

 


Ovo. Trente-six jours que je suce ce mot. Ce petit mot joli, rond comme un noyau de cerise. Ovo. Trente six jours que, du bout de ma langue, je le fais rouler sur mon palais. Le mouille. Que j'en savoure le velouté. Le sèche. Le fais cliqueter sur mes dents de devant. Claquer sur mes molaires. Le coince entre mes canines. Quelquefois. Je serre à l'entendre craquer.

Ovo. Je m'appelle Moineau. Moineau comme l'oiseau.  Comme le passereau de la famille des Fringillidés, conirostre, à livrée brune striée de noir, dit Robert le Dictionnaire. Et Raphaël, comme le peintre. Et Raphaël comme l'ange.

Raphaël Moineau, agent de surveillance au Louvre depuis deux ans. Je suis là par accident. Une chute. Chute de moineau. J'étais peintre. Et je me suis cassé les dents, les ailes, les os, et le cœur, et la tête et mon bec conirostre sur un de mes satanés tableaux.

Coup de colère. Coups de couteau dans mes tableaux. Coup de cutter dans le poignet droit. Nerfs tranchés. Cubital. Radial. Médian. Flots de couleurs. Rouge Rubens sur les mûrs. Et ma main s'est crispée, recroquevillée peu à peu en une patte d'oiseau. Déplumé. Mon pouce et mon index scellés en un bec de moineau. Je n'ai plus touché un seul pinceau.

 

Besoin de boulot. Alors j'arpente le parquet ciré des salles Sully-Richelieu. Deuxième étage. Peinture française du XVII et XVIIIe siècle. Depuis six cents dix-neuf jours, je lèche les tableaux du Grand Siècle : Eustache Le Sueur, Simon Vouet, Lorrain, la Tour, Poussin... Ovo

 

Ovo

 

Sourire malicieux. Car c'est là, dans la salle 14 de Nicolas Poussin que le petit mot s'est lové dans le creux de mon oreille. Lundi 17 mai. Précisément dans mon oreille droite. A la Saint Pascal.

 

J'étais assis dans la niche, devant la fenêtre, celle qui donne sur la verrière et les taureaux ailés.

Là, un guide italien planté devant « Les Bergers d'Arcadie » de Nicolas Poussin laissa couler des flots de phrases sur son groupe de touristes fatigués et particulièrement sur une jeune femme en jaune. Jolie. Jaune de la tête aux pieds. Souliers jaune safran. Robe jaune mirabelle. Turban jaune genêt. Plume jaune canari et perle de topaze en pendentif à son oreille gauche. Une seule.

 

Régulièrement le menton du guide volubile en habit beige se tendait, sa bouche s'arrondissait, marquait un bref silence pour laisser sortir ce

« Ovo »

qu'il soulignait d'un geste de la main, tenant délicatement au bout de ses doigts «esta ovo », cet œuf, invisible, qu'il brandissait et montrait à la jeune femme si jaune.

 

Le petit mot s'est immiscé par mes conduits auditifs, mes mystérieux couloirs, s'est faufilé par mes secrètes trappes. Distillé par mes alambics, il roule depuis comme une pépite sur le bout de ma langue.

 

Ovo

 

Il tourne. Il scande mes pas du matin jusqu'au soir. Il efface mes pensées comme un bout de gomme dans mon cerveau. Même mes semelles le murmurent sur le parquet.

 

Ovo. Ovo. Ovo. Ovo...

 

Je m'endors avec. Je me réveille avec. La nuit, avant de plonger, je le cale tout au fond de ma bouche. Ovo, tout chaud contre le moelleux de ma joue. Il tournicote pendant mon sommeil. Sans doute. Ricoche comme un caillou, de cauchemar en cauchemar. Peut-être il coule. Se perd dans le trouble. Puis réapparaît en bulle, en boule de gomme, à mon premier bâillement.

 

Ovo

 

Je suis toujours content de le retrouver. Bain de thé.

 

Ovo

 

 

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La première plume, je l'ai trouvée au deuxième tour de ma tournée du matin, le mercredi 19, veille de l'Ascension et le surlendemain du petit mot. Posée sur le rebord du cadre des Bergers d'Arcadie. En bas, juste à l'aplomb des pieds de la jeune dame au manteau jaune du tableau.

Plume petite. Parfaite. Effilée, recourbée au bout comme un sourire en coin. Jaune. Plume de queue ou plume d'aile. L'ai gardée entre mes doigts scellés. Pensif. Bien sûr, le souvenir de la jeune femme à la boucle d'oreille. Et j'ai repris ma marche. Mes souliers et moi avons égrené notre chapelet d'ovo.

 

Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo.

 

Main derrière le dos. Plume plantée entre mon pouce et mon index, mon bec cloué de moineau muet.

 

C'est ce matin-là, après ma trouvaille jaune, que Virginie, une collègue étudiante de la salle Nicolas de Champaigne, à qui je la montrais, m'a chuchoté qu'il circulait de drôles d'histoires autour du tableau de Poussin. Un mystère. Une énigme.

C'est vrai, j'avais remarqué, depuis mon arrivée, que des visiteurs se penchaient sur les trois bergers et la demoiselle enturbannée avec des mines de conspirateurs. Loin du troupeau de touristes qui turbule autour de Mona. Mais des gens discrets, silencieux, souvent s'approchant d'un peu trop près. Si près que de temps en temps, je devais faire sonner un « S'il vous plait ! ». Coup de fouet qui semblait les réveiller d'une profonde rêverie.

 

On dit des Bergers d'Arcadie que Nicolas Poussin l'a peint dans les années 1640 en Italie où il vécut une partie de sa vie. Qu'il aurait caché dans cette allégorie un secret. Une énigme. On dit.

 

On dit. On dit. On dit...

 

J'ai repris ma marche sur le parquet ciré. Mâché mon petit mot. Ovo.

Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo.

 

La plume coincée au bout de ma main conirostre derrière mon dos.

 

On dit. On dit...

 

Je dis, moi, que j'ai trouvé une très jolie plume jaune canari aux pieds de la noble dame au manteau jaune d'or de Nicolas Poussin.

Je dis, moi, que ce mercredi-là, j'ai continué ma marche. Que j'ai pressé le pas pour me retrouver six fois devant mes « Bergers d'Arcadie ».

 

Ovo. Ovo. Ovo...

 

Et qu'au sixième tour de ma tournée, j'y ai fait une pause, dans la pénombre de ce passage des Poules.

Lumière rasante. Assis sur la chaise, près d'une des deux fenêtres ovales, celle qui donne sur les colonnes du Louvre et la rue de Rivoli...

D'un geste machinal, enfantin, j'ai regardé dehors par la fente de la plume comme dans l'œilleton d'un vieux porte-plume d'ivoire...

Alors j'ai vu...

 

Par l'interstice, j'ai vu ma visiteuse de la veille. Elle filait. Éclair de sa robe mirabelle et de son turban de genêt jaune. Elle serpentait en roller entre les colonnes.

La demoiselle portait dans son dos deux ailes.

Deux ailes.

L'une jaune canari, l'autre jaune poussin. Elle m'a jeté un coup d'œil par-dessus son aile gauche. Regard de plomb fondu.  Puis elle a disparu entre les colonnes du Louvre, côté rue de Rivoli.

 

Voilà.

 

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Roissy. Encore une heure et demi avant l'embarquement. Le temps d'écrire ceci :

Le lundi suivant, Virginie m'a remis une liasse d'une vingtaine de feuilles, imprimées de divers sites internet sur Nicolas Poussin et ses Bergers d'Arcadie...

 

« tu liras...  tu feras le tri... »

J'ai lu. Appris que Poussin était lecteur assidu et grand admirateur de Virgile, que les mots « Et in Arcadia ego » en seraient inspirés.

Je découvre que Virgile, amoureux de  Naples, s'y installe jusqu'à la fin de sa vie.

 

Naples,  née du naufrage de Parthénope, sirène aux ailes d'oiseau. Oiselle échouée dans la baie en fuyant ...

 

Manque d'air. Tremblement de terre dans ma tête de moineau. Éruption volcanique côté cœur.

Car.

Le dimanche même, dans ma tournée de 5 heures, deux événements troublants. Très. Trouvaille de deux autres plumes...

 

Toutes deux dans la salle 34, peintures du XVIIIe, salle Boucher, celle qui fait suite au passage des Poules. Deux plumes. Chacune exactement sur un des deux panoramas de Naples peints par Joseph Vernet. Placés de part et d'autre de l'entrée.

Pause. Je m'évadais sur l'une. Côté droit.

 

«  Vue du golfe de Naples » 1748

 

Penché sur la baie, j'observais. Je remontais le port. Flânais. Suivais le flot du petit peuple napolitain. Passais d'un visage à l'autre, du décolleté d'une marchande de cotillons aux mains d'un pêcheur. Passeurs. Passants. Enfants en guenilles. Crieurs. Petits marquis crâneurs. M'émerveillais sur les détails, la touche vive et minutieuse de Vernet.

Quand, tout près des remparts d'un château, sur l'épaule d'un mendiant minuscule, accrochée à une aspérité de la pâte, une plume. Brune.

L'ai prise entre mes doigts. Grande ressemblance avec une plume de moineau mâle, fendue comme la première.

Coup d'œil autour de moi. Personne dans la salle. Alors inspection.

Bec de la plume au bout des doigts. Observation à deux doigts du tableau. Plume en guise de loupe.

 

Alors.

Ailes.

 

Par l'interstice, dans le dos du mendiant, apparition d'une silhouette ailée. Un peu tremblée. Légèrement floue. Un ange, debout derrière, les ailes déployées en ombrelle.

Vérification à l'œil nu, sans la plume. Rien. Aucun d'ange. Pas la moindre aile. Pas la moindre ombre. Pas la moindre ombrelle.

 

Excité par ma trouvaille, troublé, fébrile, je passais à l'autre tableau, en face, côté gauche.

 

« Vue de Naples avec le Vésuve » 1748

 

Le port toujours. La foule encore. Juste à l'aplomb du Vésuve un mouvement oscillant attira mon regard. Comme accrochée au mât de misaine d'un navire à quai, une autre plume. Plus claire que l'autre. Beige comme celle d'une moinelle, moineau femelle, à quelques millimètres d'un marin en manœuvre sur les haubans. Je répétais mon inspection. Juste au-dessus, un ange veillait. Semblait me regarder, bienveillant, sourire aux lèvres.

Vérification encore.

Coup d'œil sans la plume : Le marin, seul,  personne d'autre sur les filins. Avec la plume :  L'ange apparaissait, souriant toujours.

 

Ovo.

Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo ...

 

Mastication de plus en plus nerveuse de mon mot. Même topo pour mes souliers. On mâche. On marche obstinément.

 

Ovo.

 

Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo. Ovo.

 

 

Les deux plumes brunes ont rejoint la plume jaune serin dans mon portefeuille.

N'ai pas soufflé un mot de mes dernières trouvailles à Virginie. Ni à personne. Passerais pour un drôle d'oiseau. Un emplumé du bulbe. Alors bouche cousue, bec cloué, main crispée derrière pour Raphaël Moineau. Je bouclais mes secrets de plume et de plomb dans ma tête de piaf.

 

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Avis clément du 31 mars 2010 :

Depuis quelques semaines, ce roman, LE PARADISIER, prépare sa publication papier ...

Voilà la raison de cette interruption ...

 

Vous retrouverez la suite, à partir du 15 octobre, entre des pages de papier ivoire

accompagnée de 10 compositions photo-graphiques...

 

à bientôt

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© frédériClément, le 19 février  2010

 

 

 

 

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Une vidéo-lecture de 16mn 46 du PARADISIER, dit, mis en sons, en musique et en images par frédéric Clément, est à regarder en HD sur DAILYMOTION :

http://www.dailymotion.com/user/frederiClement/video/xakz...

 

Et, 2 extraits du PARADISIER, "Ovo" et "Roissy" dits, mis en sons et musique

par frédéric Clément, sont en écoute sur MYSPACE :

http://www.myspace.com/fredericlementeco

 

 

Extrait du PARADISIER n°2 : "Roissy"


podcast



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